mardi 22 mai 2007

La vie à bord

A l’intérieur du Laika, la vie s’organise. Chacun a trouvé petit à petit sa place, en prenant son rythme de croisière et en installant ses habitudes. Nous formons une sorte de famille itinérante dans cet espace de promiscuité, désormais – certainement à l’image de ce que connaissent les équipages au long cours en mer ou ceux qu’on dit fils du vent.
L’arrière du camping-car est le domaine de Fiévet. Le plus luxueux et le plus confortable, cela va sans dire. C’est là, sur la gauche de la cabine de douche, derrière le coin-cuisine, qu’il s’est fabriqué un petit nid douillet, recouvert de coussins, où il passe de belles nuits et effectue de confortables siestes – rêvant certainement à quelques échappées glorieuses sur les routes du tour.
Le milieu du véhicule est une sorte de zone mixe. Elle sert à préparer le matériel de tournage, à écrire les textes et articles du jour et, surtout, à prendre le café (très) matinal. Ni devant, ni dehors, ni trop jeune, ni trop vieux, ni-ni... Une position centrale, donc !
La nuit, l’espace se transforme en couchette. Celle où Yann passe des nuits courtes et radieuses, sur un matelas disposé sur les banquettes rabattues.
La cabine située au dessus du poste de pilotage est mon antre. C’est ici que je protège mon intimité nocturne, le visage collé au plafond. La journée, le lieu est utilisé pour déposer le matelas nocturne de Yann, des vêtements et autres effets de toutes sortes.
Avec ses boiseries, ses boutons dorés, ses plaques gravées (indiquant toilet à l’anglaise, par exemple, pour celle posée sur la porte de la salle d’eau, ou encore capitaine, pour une autre fixée au dessus du poste de pilotage), ses petits détails qui font toute la différence (petits tableaux enfermant des nœuds marins, un bateau et un gouvernail encadrant la passerelle d’accès, rappelant ainsi qu’un vieux loup de mer reste un vieux loup de mer) et ses fauteuils recouverts de tissu canapé, le Laika a fière allure. Notre Air Force One à nous !
Dans le frigo, de la bière, du coca et quelques aliments divers (comme cette salade qui trempe enfermée dans un jus douteux dans une barquette de plastique, et que Fiévet s’obstine à appeler « salade composée », l’air radieux), qui permettent de réaliser des prouesses culinaires incertaines. Bien sûr, tout ne va pas sans quelques inconvénients. Ainsi, chacun gardera un souvenir ému d’un camembert embarqué à bord par Yann, lors de l’étape de Cosne.
Pour une bonne cohabitation, quelques règles arbitraires règnent à l’intérieur du fier engin.




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Le capitaine de cette véritable caravelle roulante tente de faire régner l’ordre à bord. Avec plus ou moins de réussite, mais une obstination qui force l’admiration.
Ainsi, par exemple, de la serviette jaune de Yann, qui traîne toujours n’importe où. L’objet est devenu une obsession pour le pilote du Laika, qui la chasse comme on chasse une marotte.
Quelques éléments jouent un rôle décisif pour assurer une bonne tenue de la croisière, digne de la tradition des grandes traversées transatlantiques d’autrefois. Sur le toit de l’appareil, quatre petits hublots. Sorte de velux, ils sont censés offrir un peu d’air frais à la cabine, en plue de la lumière, quand ils sont ouverts (pas en route, donc). En réalité, ils dispensent la chose avec beaucoup de réserve, l’ouverture qu’ils protègent étant recouverte d’une sorte de moustiquaire. Quoiqu’il en soit, tous déployés, ils forment une batterie d’ailerons, donnant au Laika des airs marins ou aéronautiques. Quand il est déplié, le tapis d’accueil, déposé au pied de l’escalier d’accès, signale au public que le convoi s’apprête à faire une halte prolongée. Il se déploie automatiquement et donne l’impression de descendre d’un concorde présidentiel quand on s’apprête à poser le pied à terre. Et, accessoirement, il invite à se frotter les pieds avant de monter à bord – un usage que Yann éprouve quelques difficultés à appréhender, à l’évidence, au grand désespoir du chef de cabine. Autre ustensile incontournable, la balayette. Equipée de poils blancs et longs de belle facture, elle assure une propreté minimum. Le capitaine fait preuve d’un coup de balayette plein de dextérité. Une technique d’un autre âge, certes, probablement héritée d’une vieille tradition, mais dont la sûreté force l’admiration.
Le service à bord est digne de la grande époque de l’aviation commerciale des années 60.
Pour protéger la qualité des boiseries, Fiévet vieille toujours à installer une petite serviette sous les bouteilles de bière.
Enfin, chacun constate que la vie suit son cours, comme la caravane son chemin...


Olivier-Jourdan Roulot

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