samedi 19 mai 2007

L’étape du jour (en images)

Puy Guillaume (Puy de Dôme)

Vendredi soir, la route avait été longue et éprouvante. Après la visite au ministère de la crise de la justice, dans le 13ème arrondissement, à Paris, le camping-car a mis le cap au sud.
Pour ma part, j’avais du momentanément abandonner le véhicule de tête, pour récupérer la voiture balai garée chez Hugo & compagnie, où le camping-car avait chargé les livres le matin.
Le temps de rejoindre la rue de la Condamine en métro, le Laika a pu prendre de l’avance. J’ai profité de mon passage chez notre éditeur pour envoyer les dernières alertes aux médias, avec Emmanuel Amar, notre attaché de presse, et passer quelques coups de fil aux journalistes pour l’étape du lendemain.
Nous aurons besoin de témoins.

Aux alentours de 17 heures (après avoir été coincé de longues minutes dans l’ascenseur à voitures du parking…), j’ai repris la route à mon tour, en rejoignant le périphérique à la porte de Clichy. Avec deux bonnes heures et demie de retard à combler sur les échappées.
La liaison avec la tête du tour s’est faite vers Cosne sur Loire, avant Nevers, aux alentours de 19h30. Le camping-car m’attendait au milieu d’une forêt de poids-lourds à l’arrêt sur le parking d’une station-service au bord de l’autoroute.
Sagement intercalé, il semblait tout d’un coup bien petit, comparé à ces monstres du bitume.Dans cette sympathique ambiance, tels de vieux routiers à la peau tannée, nous avons ensuite sacrifié au dîner sur le parking. Un moment délicieux, véritable hommage à la grande cuisine française, digne des meilleurs plans du Routard. Fiévet s’était mis aux fourneaux, pour nous offrir un repas digne de ce nom : une sorte de pizza sèche, plate et cuite avec une application un peu forcée (la chose avait un vague goût de carotte, je crois...). Après ce grand moment, la suite a été au niveau, avec la traditionnelle salade aux endives et aux tomates, plat fétiche du maître-queue.
Un verre de rouge a aidé à faire passer l’ensemble.

A tour de rôle, chacun est ensuite allé prendre une douche réparatrice, dans une des cabines de la station-service. Le lieu, à la propreté douteuse, n’avait rien de bien accueillant. A dire vrai, avec son hygiène incertaine, sa lumière artificielle et une organisation de l’espace totalitaire et sans ouverture, il faisait plutôt penser à une... cellule de prison.

Après ces réjouissances sanito-gastronomiques, il était temps de se remettre en route pour poursuivre notre avancée au cœur de la France profonde. A bord, juste avant, Fiévet avait écrit son premier billet d’humeur, alors que Yann Bertini, caméraman officiel du tour de France, avait attaqué le montage de la vidéo du jour.
De mon côté, j’avais bouclé le résumé de l’étape.

A l’arrière de l’Iveco, Yann a profité du trajet pour continuer à préparer la vidéo. Mais nous étions loin de la fin de nos peines. En effet, restait encore à trouver une connexion Internet pour envoyer à Emmanuel, en charge de l’intégration au pc course, les textes, les images et les vidéos. Dans ce tour de France par nature itinérant, le problème de la connexion se pose en permanence. Et se révèle bien souvent, un véritable casse-tête.
Finalement, ce n’est que vers 1 heure du matin, après une errance un peu désespérée, que nous sommes tombés sur un hôtel Ibis, au milieu d’une zone d’activité comme on en trouve un peu partout. Malgré l’heure tardive et le caractère improbable de notre arrivée, Marc Fiévet a réussi à convaincre le gardien de nous laisser profiter de la couverture Wifi de l’établissement pour envoyer les éléments. En remerciement de sa participation à la couverture de l’épopée, le brave homme s’est vu remettre un livre dédicacé pour meubler ses longues nuits de veille. Pour la petite histoire, l’homme nous a appris qu’il était lui-même un ancien des RG. A la retraite après 30 ans de services, il avait pris ce job de veilleur de nuit pour financer les études de son jeune fils.
Au bout d’une bonne heure, une fois envoyé l’ensemble des éléments à intégrer au blog, nous avons repris la route, à la poursuite de l’aviseur qui s’était fait la belle, prenant de l’avance sur nous pour compenser le train de sénateur du camping-car.
Sur le tableau de bord de la voiture, une petite note sur un bout de papier jauni écrite par le gardien de l’Ibis, pour nous indiquer la direction à prendre :
« direction Roanne, Varennes à 25 km, puis prendre à droite Vichy, puis Thiers ».

Après avoir traversé la ville de Vichy désertée, nous avons finalement retrouvé le camping-car, plongé dans l’obscurité la plus totale, à Puy Guillaume, au bord d’une petite rivière.
Il était plus de 2h30, quand nous avons pu enfin nous coucher pour quelques heures seulement d’un sommeil nécessaire.


Trois heures plus tard, la journée de samedi démarrait. Aux aurores, donc. Il n’était pas encore 6 heures du matin, quand Fiévet, impitoyable, a sonné le réveil à bord.
Le convoi s’est dirigé vers le centre du petit village, pour gagner la place de la mairie. Quelques minutes plus tard, nous étions sur place.
Le camping-car s’est immobilisé sur le parking désert, face au bâtiment municipal.

Vers 7h10, une journaliste de la Montagne, le quotidien régional du Puy de Dôme, s’est présentée. Rejointe quelques minutes plus tard par un confrère de la Gazette, hebdo appartenant au même groupe (Centre France). La discussion s’est immédiatement engagée avec Fiévet, sur place, au pied du camping-car.
Pendant que NS55 répondait aux questions des journalistes, précisant les raisons de son action et de sa venue à Puy Guillaume, une troisième personne a rejoint le petit groupe en formation : un photographe travaillant pour le Journal du dimanche (JDD), arrivé de Lyon pour préparer un article à paraître dans l’édition du lendemain.


Aux alentours de 8h15, Fiévet a grimpé les quelques marches jusqu’à la porte d’entrée de la mairie, suivi de près par le petit groupe de journalistes. Il s’est adressé à la fonctionnaire de permanence, en lui expliquant qu’il était venu pour voir Michel Charasse, le sénateur-maire de la commune.
Surprise, l’employée n’a pas su trop quoi répondre. Elle a fini par expliquer qu’il n’y avait aucun responsable présent sur place, pour le moment.
Le petit groupe est ressorti sur le parking.
L’attente a donc commencé.

Les journalistes et Fiévet sont partis patienter autour d’un café à la Bodega, un petit bar situé à quelques mètres de là, où nous avons pu brancher le chargeur des batteries de la caméra.

Un peu après 9 heures, le groupe était à nouveau devant les marches de l’hôtel de ville. Un policier municipal était cette fois en haut des escaliers, à l’extérieur, positionné devant la porte d’entrée. Mal à l’aise, il a indiqué qu’il avait reçu la consigne d’interdire l’accès au bâtiment. Précisant que le secrétaire général de la ville avait été prévenu, et qu’il arriverait d’une minute à l’autre pour s’entretenir avec Fiévet.
Quelques minutes plus tard, une camionnette de gendarmerie a fait le tour de la petite place, répétant l’opération à deux reprises.

A 9h13, alors que nous continuions à patienter tant bien que mal, une femme est sortie sur le perron. Après avoir avalé les quelques marches nous séparant de la porte d’entrée, elle s’est dirigée vers Fiévet. Cette adjointe de Charasse est venue expliquer à ce visiteur inattendu que le maire était absent, en voyage pour plusieurs jours. Elle a refusé de recevoir personnellement Fiévet, évoquant une réunion en cours. NS55 a eu à peine le temps de préciser les raisons de sa présence. Avant qu’elle ne tourne les talons, il lui a proposé de lui offrir son livre. Gênée, l’adjointe de permanence a préféré décliner l’offre.

Trois minutes plus tard, une voiture s’est immobilisée sur le parking. Un homme d’une trentaine d’années en est sorti en trombe. La mine fermée, l’homme au costume strict s’est avancé vers les escaliers qu’il a avalés à toute allure, sans un regard ni un sourire vers le petit comité d’accueil en faction au pied de la mairie.
Le secrétaire général de Puy Guillaume s’est engouffré dans le bâtiment, comme si une urgence l’attendait.
En débutant son tour de France dans son fief, Fiévet souhaitait rencontrer Michel Charasse pour lui demander son soutien. L’ancien proche de Mitterrand a en effet l’oreille de Sarkosy. Il l’avait d’ailleurs reçu quelques semaines plus tôt sur ses terres, pendant la campagne présidentielle. L’ancien locataire de Bercy entretient également de bonnes relations avec Brice Hortefeux, lieutenant du nouveau président, qui vient de rejoindre le gouvernement et nourrit des ambitions municipales à Clermont Ferrand, ville voisine de Puy-Guillaume.

A 9h47, le policier municipal a de nouveau descendu les escaliers pour expliquer à son tour que Charasse serait absent jusqu’à la semaine prochaine.

Visiblement, l’ancien agent double n’était pas le bienvenu dans la petite bourgade tranquille du centre de la France. Il faut dire que les bonnes relations de Charasse avec Sarkosy ne sont pas vues d’un bon œil par tout le monde, par ici. Elles font parler. Ainsi, quelques jours plus tôt, une main nocturne avait recouvert des murs de la place de la mairie de tags injurieux, dénonçant ces accointances jugées contre-nature. On pouvait d’ailleurs encore deviner les charmantes inscriptions, grossièrement recouvertes de peinture.

Un peu après dix heures, nous avons finalement levé le camp, libérant l’hôtel de ville. Le convoi a alors emprunté une petite route, quittant le centre du village. La caravane du tour s’était étirée. Cette fois, le camping-car était suivi par quatre véhicules, donnant à notre expédition une dimension nouvelle. Pas encore celle de la grande boucle, certes, mais quand même...
Fiévet avait décidé de se rendre directement devant la maison de Michel Charasse pour lui déposer un bouquin dédicacé. En arrivant, une patrouille de gendarmerie se trouvait sur place, en faction au bord de la route. Le camping-car a été immobilisé, pour un contrôle. Qui s’est déroulé de façon courtoise.
Fiévet s’est livré de bon cœur aux exigences du contrôle, puis a immobilisé le véhicule.
« Je vais vous offrir mon livre ! », a-t-il lancé aux deux gendarmes, en leur recommandant de se méfier de leur hiérarchie.
«Vous connaissez l’histoire ? Non ? Ils m’ont laissé pourrir en prison !»
«Vous étiez en service commandé ?», a interrogé un des fonctionnaires.
Les deux gendarmes ont saisi chacun leur livre.

Fiévet est ensuite retourné à l’intérieur de son véhicule, prendre un autre livre. S’appuyant sur le capot avant du Laika, il a posé une dédicace sur la première page, adressée à Michel Charasse.
Avant de traverser la route et se diriger vers la maison de l’homme politique.


Entre temps, un autre véhicule de gendarmerie était arrivé, avec deux autres fonctionnaires à son bord. Au grand étonnement d’un des journalistes présents.
« C’est hallucinant », a-t-il commenté.
Fiévet a parcouru les quelques dizaines de mètres jusqu’à la maison appartenant à l’ancien ministre, sous un soleil radieux et dans un cadre parfaitement bucolique. Suivi par les journalistes et les deux gendarmes arrivés en renfort.
Il s’est approché du portail d’entrée protégeant la petite maison de deux étages aux murs recouverts d’une peinture claire.
Au premier étage, une femme est sortie sur un petit balcon.
« Je viens pour vous remettre un livre dédicacé pour monsieur Charasse », a lancé NS55.
Après être descendu accueillir le visiteur au portail, la femme a saisi l’objet, en promettant de le remettre au destinataire.
« Je vais le déposer sur la table de la cuisine. Monsieur Charasse le trouvera ce soir en rentrant »
Puis elle est rentrée dans la maison, avant de fermer la porte derrière elle.
Pendant que Marc Fiévet regagnait le camping-car, un des deux gendarmes qui surveillaient les opérations rendait compte à ses supérieurs.
Avant de se remettre au volant, Fiévet est revenu une dernière fois voir les deux premiers gendarmes qui l’avaient contrôlé à son arrivée. Dans sa main, il portait un exemplaire d’un journal de la région de Boulogne-sur-mer, où il vit. Sur une pleine page, un article lui était consacré, photo à l’appui.
« Vous faîtes tous les élus ? », a demandé naïvement un des fonctionnaires.
« Je commence ici parce que c’est lui qui m’a envoyé », s’est contenté de répondre l’ex-aviseur.


Après ce moment parfaitement bucolique, le camping-car a quitté Puy Guillaume, rendant le petit village de 2700 âmes à sa tranquillité habituelle. Il était un peu moins de midi.
L’ancien ministre n’était donc pas là - en vacances, pour une semaine ou une journée, selon des sources pas vraiment accordées.
La caravane et Fiévet sont donc repartis vers d’autres aventures.
En cadeau, l’aviseur a laissé derrière lui un petit package destiné à l’absent du jour : un livre dédicacé et un article paru dans le Journal du dimanche du lendemain.
Rien dans l’édition de la Montagne du dimanche, par contre. Le paquet sera peut-être complété d’un nouveau papier, dans les jours qui viennent, ainsi qu’un sujet sur cette improbable visite dans la Gazette.


Olivier-Jourdan Roulot

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