jeudi 8 novembre 2007

Les millions du repenti

Pendant que NS55 tente de combattre un début d’angine du côté de Boulogne sur Mer, pressé de reprendre la route de son combat, nous travaillons depuis Marseille au développement du film en tournage.
Hier matin, nous avons rendu visite à François Missen. Missen a beaucoup travaillé sur les trafics de drogue. Sur l’histoire de la french connection notamment – cette époque incroyable où Marseille était la plaque tournante du trafic d’héroïne, raffinée dans le secret de laboratoires disséminés dans la garigue.
Ce journaliste à l’ancienne, volontiers baroudeur et toujours prêt à partir sur la piste d’une nouvelle enquête, vient d'ailleurs de terminer un 52 mn sur le sujet. French connection, les rois de la came, sera diffusé le 22 novembre sur Canal +, dans le cadre de l’émission Jeudi investigation. Nous vous reparlerons de ce documentaire ici même, avant sa diffusion. D’ores et déjà, nous vous recommandons de réserver votre soirée du 22 novembre.

Avec Missen, dans sa maison installée face aux murs de la célèbre prison des Baumettes, nous avons travaillé près de trois heures durant pour préparer une rencontre avec NS55, que nous avons prévu de tourner pour l’intégrer au film. Nous avons défini avec lui les thèmes de cet échange, et ceux de son intervention.

A notre arrivée, Missen était plongé dans une montagne d’archives : des coupures de presse jaunies par le temps, dont les gros titres renvoyaient aux grands épisodes de la fameuse french. Il venait de les récupérer, après les avoir prêtées pour les besoins de la promotion de son documentaire, et était en plein rangement au moment de notre arrivée.


Missen (ici en photo sur le port de Vera Cruz) est un type assez hors-norme. Qui a beaucoup bourlingué à travers le monde. En Afghanistan (où il a le premier annoncé l’arrivée de l’armée russe), à Cuba, aux Etats-Unis. En 1974, sa couverture de la guerre d’Irlande lui vaut le prix Albert Londres. Missen a la particularité d’avoir décroché les deux prix journalistiques les plus prestigieux en France et aux Etats-Unis, puisqu’il a également reçu le prix Pulitzer pour ses reportages sur la french connection.
Parmi ses faits d’armes, il a également écrit le formidable Doudou, mémoires du repenti Edouard Rimbaud (sorti en 2000, chez Gallimard, dans la Noire), responsable de la chute de la french. Rimbaud qui a d’ailleurs accepté, pour la première fois, de témoigner devant la caméra de Missen. En 2004, le reporter sortait un document consacré au Réseau Carlyle (chez Flammarion), fond d’investissement américain au coeur des politiques sécuritaires des faucons du parti républicain du clan Bush.
Il y a quelques années, cet ancien du Provençal avait cosigné avec le fameux commissaire Marcel Morin la Planète blanche, puis American connection.

Nous avons notamment échangé sur la question des repentis, sur les rivalités entre les douanes et les flics, sur la différence des méthodes entre Français et Américains, sur l’hypocrisie des politiques, la question des cités, de la dépénalisation, et sur bien d’autres sujets encore.

Et puis, Missen nous a raconté comment il avait loupé un scoop avec Tommaso Buscetta, le premier grand repenti de la mafia sicilienne, alors qu’il travaillait sur un reportage pour la télévision française. Le reporter avait pourtant obtenu l’accord des Américains, qui détenaient Buscetta, pour réaliser son interview. Mais les tergiversations de la chaîne (Arte, pour la citer)feront capoter l’affaire. Quand Missen finit par rappeler son contact à la DEA, celui-ci lui rira au nez : entre temps, Toto Riina et les terribles corléonais avaient employé des moyens militaires pour faire disparaître les juge Falcone et Borsalino. Du coup, les Italiens avaient demandé l’extradition du parrain et un grand quotidien transalpin en avait profité pour s’offrir l’exclusivité d’une interview avec Buscetta contre 5 millions...
La preuve, si besoin en était, que les scoops tiennent souvent du miracle !
Olivier-jourdan Roulot

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