mardi 20 novembre 2007

« Style cow-boy »

Après un week-end relâche dans l’atmosphère improbable de la zone commerciale des Milles, à Aix-en-Provence, le Laika s’est positionné dimanche soir face à la Méditerranée - à Marseille, à l’arrière du fort St Jean, face à l’entrée du port de commerce.Un cadre majestueux (habituellement occupé par les forains) et... gratuit : en théorie payant, l’accès est ouvert à tous, la barrière censée rythmer les entrées facturées ayant décidé de ne plus regarder que vers le ciel. Le site (sur lequel deux équipements culturels doivent être édifiés dans le futur, face à l’ancien J4 en fin de démolition) a fière allure.Surtout quand le Mistral n’est pas de la partie - dans le cas contraire, la force du paysage est concurrencée par celle du roi des vents. Le mistral ayant décidé de s’abstenir, tout était parfait. NS55 était ravi d’un tel décor.
De bonne humeur, il a réservé à Emmanuel un repas dont il a le secret, lui sortant le grand jeu : nappes rouges, service (neuf) en bakélite, verroterie disparate, pizza surgelée (bien craquante, autrement dit... dure comme une vieille semelle), petit rouge, camembert au fumet explosif, banane et café.
Pendant que nos convives se laissaient aller aux joies de la table, du travail m’attendait. Et ce n’est qu’une fois les 3 heures du matin bien sonnées que je me suis mis au lit, car je tenais à finir ce foutu dossier que j’avais promis d’envoyer à Yannis, le producteur.

Le lendemain, nous avions rendez-vous pour une séquence avec le journaliste François Missen. Les premières prises de vue étaient calées de bonne heure devant le quai des douanes, au bout du Vieux-Port. Face aux vedettes des douanes et des affaires maritimes. Pour l’occasion, nous avons reçu le renfort de Cédric Genet, ingénieur du son de son état, avec qui nous travaillons régulièrement. Cédric nous a fait l’amitié d’être avec nous, pour assurer une prise de son optimale.

L’équipe s’est ensuite déplacée vers le port de commerce, devant l’entrée 3. La direction du port autonome nous ayant refusé l’autorisation de tourner à l’intérieur du site – au motif qu’il ne serait question d’évoquer une réalité risquant de nuire à l’image du port (ce qui revient à définir ce que doit être le travail des journalistes, selon des critères de pure com...) –, nous avons réalisé une nouvelle séquence sur la passerelle enjambant les rails de train et surplombant le port, de l’autre côté de la route.
En voici un petit extrait (sur les coulisses et les arrières-coulisses de la guerre de la drogue), ci-dessous...



Toujours facétieux, pendant que nous tournions, NS avait abandonné son camping-car à l’intérieur de l’enceinte du port, sur le rond-point situé après le poste de contrôle des entrées. Les deux plantons chargés de réguler le ballet des camions lui ayant autorisé ce point de stationnement. A notre retour, pourtant, un comité d’accueil nous attendait. Des douaniers (plutôt gênés), des agents du port et une patrouille de police, alertée par la sécurité du port. Les policiers nous ont soumis à un contrôle qui s’est éternisé. L’un d’entre eux, plutôt zélé, commença par reprocher à NS 55 une « usurpation d’identité » (un qualificatif assez comique quand on connaît son histoire), avant que les choses ne finissent par se dégonfler. Sans que, auparavant, nous ayons eu droit au traditionnel et consternant couplet sur la fameuse interdiction de filmer (alors que nous étions à l’extérieur du port et que nous faisions notre travail de journalistes) - une sorte de lubie contagieuse chez les fonctionnaires qui mélangent joyeusement et sans discernement différentes notions mal maîtrisées (droit à l’image, droit à l’information...), en tentant d’intimider ceux qui prétendent exercer leur métier, dans un abus de position manifeste.
Finalement, après quelques tergiversations, NS55 repartira libre au volant du camping-car, nos pièces d’identité et cartes de presse ayant retrouvé de leur côté nos poches respectives.
Cette charmante intervention aura probablement donné lieu à un rapport, qui viendra grossir le lot des rapports, procès-verbaux et autres notes inutiles.
Un peu avant 14 heures, nous avons repris la route pour rallier Grenoble, cible de l’étape suivante. Un chemin qui passait par la nationale de Sisteron (pas d’autoroute payante, pour cause de budget serré).

A 20h19, pendant qu’Emmanuel dormait lourdement sur une des banquettes du carré central, nous franchissions le col de la Croix haute et ses 1179 mètres d’altitude, sur une route désertée et dans un paysage de neige, pour basculer sur Grenoble. Nous mettrons encore un peu de temps pour avaler les 60 km nous séparant de la capitale de l’Isère, dans une descente toute en colimaçon.

Un peu avant 22 heures, nous roulions enfin dans les avenues de Grenoble. A la recherche d’un établissement pour se restaurer. Après une manœuvre d’approche devant un restaurant à l’enseigne de New China et une courte hésitation, NS décidait de changer brutalement ses plans. « Il faut un MacDo, au moins on aura du Wifi ! ».
Décidément, sur ce (narco)tour de France, les priorités sont clairement fixées : la connectivité prime sur la gastronomie. Définitivement.
Et voilà comment, une fois de plus, nous nous sommes retrouvés confrontés à la fabuleuse cuisine de l’oncle Ronnie. En connaisseur, l’évadé du tour pouvait y aller de son commentaire sur la déco du lieu : « c’est surprenant ici, l’ameublement... C’est la première fois que je vois le style cowboy ! »

Pour passer la nuit, le Laika s’est planté sur un des parkings de l’Espace Comboire, une zone commerciale du côté d’Echirolles. Sous la protection de quelques regards bienveillants : ceux des enseignes d’un Tati, d’un King jouets, d’un Mondial tissus et (cela va sans dire) d’un Mac Do.
Ce matin, lundi, Emmanuel était le premier levé. Vers 6 heures du mat’, quand un vent violent s’est mis à souffler sur le centre commercial encore déserté. De quoi commencer une série de rangements, histoire de répandre dans l’habitacle de délicieux petits bruits de frottements, de glissements ou de grincements pour les oreilles de ses camarades qui avaient la faiblesse de vouloir prolonger cette douce nuit. Marc sera le second debout, alors que pour ma part, je le confesse, je ne me suis levé que sur le coup des 8h30.

Emmanuel était à prendre avec des pincettes, ce matin. Grognon et à fleur de peau, lâchant commentaires et réflexions à l’emporte-pièce. Remonté comme une pendule, le Manu, et limite désagréable à certains moments. Même Marc, au caractère souvent ombrageux, semblait béat devant cet excès de testostérone.

Dès l’ouverture des portes, clients fidèles, Marc et Emmanuel avaient à nouveau investi le MacDo pour installer le bureau (de camp) et avaler un café. Je les ai rejoints une demi-heure plus tard, pour rédiger ce billet.
Zones commerciales, nuits écourtées, parkings désertés, fastfood, aires d’autoroutes, bâtiments administratifs...
Le décor est à nouveau planté. Rien ne manque dans notre errance sur les routes de France, dans un paysage à la fois irréel et intime, quelques soient la ville, la latitude et le kilométrage.
Une sorte de bonheur moderne, interchangeable à souhait : partout chez soi !

Olivier-Jourdan Roulot, sur la route du (narco)tour de France, depuis Grenoble

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